2020 – Année clef pour la biodiversité
L’année 2020 sera une année charnière pour la conservation de la nature : ce sera le moment de fixer le cadre stratégique mondial pour la biodiversité pour la décennie 2020-2030 à l’occasion de la 15e réunion de la Conférence des parties à la Convention pour la diversité biologique qui se tiendra à Kunming en Chine1 . 2020, sera aussi l’année où la France accueillera le congrès mondial de l’UICN à Marseille. 2020 sera donc une année de mobilisation pour la biodiversité tant par les engagements des Etats que par la contribution mondiale de tous les acteurs (secteur privé, autorités locales, société civile, scientifiques, ONG, etc.). En mai 2019, le rapport de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) confirmait le diagnostic : la dégradation de la biodiversité mondiale et des services écosystémiques s’aggrave à un rythme alarmant.
Le Living Planet Report 2018 du WWF indiquait qu’en 2020 le monde aura perdu 2/3 de ses espèces sauvages en comparaison avec les années 1970. Et la liste rouge des espèces menacées de l’UICN évalue que plus de 40% des espèces d’amphibiens, près de 33% des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont déjà menacés. Cette dégradation de la Nature constitue notamment un risque économique et financier ; ainsi le « Global Risks Report 2018 » du Forum économique mondial place-t-il la perte de la biodiversité et des écosystèmes comme un risque majeur, tant en termes d’impact potentiel (classé 8ème) qu’en termes de probabilité que cela advienne. Face à ce constat, il est urgent d’agir.
Ce projet – Un outil pour réconcilier nature et développement
Ce projet a été annoncé par la Secrétaire d’Etat Emmanuelle Wargon lors de la COP14 de la CDB à Sharm El-Sheikh et confirmée par le Président de la République française, Emmanuel Macron, lors du One Planet Summit le 14 Mars dernier à Nairobi. C’est une des pièces de l’Engagement de l’Afrique (ici) qui doit notamment contribuer à améliorer la résilience des écosystèmes et des sociétés. Ce projet est doté de 10 millions d’euros. Il est financé par l’AFD, coordonné par Expertise-France et mis en œuvre conjointement par Expertise-France, l’UICN (Union international.
Il s’inscrit au cœur d’un ensemble de dispositifs stratégiques visant à redéfinir les liens entre les sociétés et les ressources naturelles pour l’agenda Post-2020. Cet objectif et cette vision sont portés par de nombreux Etats, acteurs du secteur privé et de la société civile avec une claire volonté de hisser la sauvegarde de la biodiversité pour le bien-être des générations futures en haut de l’agenda mondial, au même titre que le Climat. La lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité sont intrinsèquement liés et ces deux enjeux conditionnent les conditions de vie sur Terre. Il s’agit de faire sortir la biodiversité du monde restreint de la conservation et d’en faire un sujet de préoccupation pour tous les acteurs, avec des campagnes de sensibilisation, la participation à des forums et des ateliers. La mobilisation de tous pour la nature devrait, nous l’espérons, faciliter la tâche des négociateurs lors la prochaine CdP pour la négociation d’objectifs ambitieux dont notre planète a besoin.
Le projet vise à appuyer un groupe pilote de 16 pays2 pour l’émergence d’engagements sectoriels volontaires multi-acteurs, inscrits dans une trajectoire de développement compatible avec la préservation de la biodiversité. Il s’agit donc : 1. D’identifier les principales menaces qui pèsent sur leurs ressources naturelles en lien avec leurs trajectoires de développement mais aussi identifier les opportunités liées à une gestion durable de ces ressources ;
2. De faciliter la définition de leurs propres objectifs de manière concrète et adaptée à leurs enjeux et leurs NBSAPs (National Biodiversity Strategy and Action Plans). Ces engagements seront élaborés dans le cadre d’un dialogue multi-acteurs basé sur un diagnostic scientifique. Il ne s’agit pas d’un fonds destiné à financer la conservation de la nature. Mais d’un projet pilote, proposant un mécanisme ascendant (« bottom-up ») pour définir des trajectoires de développement compatibles avec la pérennisation des ressources naturelles et donc des sociétés plus résilientes.

Ces trajectoires s’appuieront la prise d’engagements nationaux et sectoriels aux échelles nationales et régionales dans des contextes mêlant des enjeux de développement socio-économique et de préservation d’un très riche patrimoine naturel. Le projet soutient un groupe pilote de 16 pays partenaires dans le processus d’intégration de la biodiversité dans les programmes de secteurs économiques stratégiques, afin d’éviter et de réduire leurs pressions sur la nature dans la prochaine décennie.
Il vise également à favoriser l’émergence de coalitions, nationales et régionales, permettant la pérenniser des engagements pris ainsi que leur diffusion auprès d’autres pays. Il sera déployé sur une période de 24 mois. Les 16 pays retenus couvrent une grande diversité d’écorégions et de situations socioéconomiques, permettant de travailler sur une diversité de couples « enjeux biodiversité / secteurs économiques ». Plus de 10 critères ont été examinés afin d’opérer la sélection.
En priorité ont été retenus des pays potentiellement éligibles, c’est-à-dire des PMA ou dont le niveau de richesse est proche de celui des PMA. Les enjeux biodiversité ont été évalués au regard du nombre d’espèces évaluées dans le cadre de la liste rouge des espèces menacées de l’UICN et du niveau de pression sur ces espèces. Le niveau d’endémisme a également été considérer
Les activités principales du projet seront les suivantes :
1. Diagnostic : Dans chacun des pays cible auront lieu des consultations/discussions concernant le diagnostic et le choix des secteurs à la fois impactant pour la biodiversité et déterminant pour l’économie du pays considéré. Seront alors menées des études détaillées sur les impacts de chacun de ces secteurs, leurs trajectoires Business As Usual (BAU), les « drivers » d’érosion de la biodiversité, et les cibles potentielles de réduction des pressions sur la biodiversité.
Les résultats de ces études seront restitués aux multiples acteurs et des premiers scénarios/trajectoires seront discutés et co-construits lors d’ateliers de consultations qui réuniront acteurs publics, privés et associatifs.
2. Dialogue et négociations multi-acteurs : Sur la base de trajectoires possibles pour les secteurs économiques choisis, compatibles avec la préservation de la biodiversité, seront organisés des ateliers de consultations multi-parties prenantes où seront discutés les différents engagements volontaires que pourraient proposer les acteurs dans le cadre de la 15ème Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique (CdP15 – CDB) à Kunming.
3. Intégration des engagements : Suite aux décisions officielles prises lors de la CdP15 de la CDB, le projet vise à décliner la prise d’engagements volontaires pour la biodiversité dans les pays cibles, ainsi que la rédaction d’un document officiel sur lequel les différents acteurs publics, privés, de la société civile se seront accordés.
4. Appropriation des engagements : L’objectif de cette dernière phase sera de s’assurer que tous les acteurs (États, secteurs économiques, société civile) s’approprient totalement les documents d’engagements, et les moyens pour les mettre en œuvre concrètement et les suivre.
Outre la mobilisation nationale dans chaque pays, le projet sera l’occasion de la construction d’engagements régionaux sur la base des engagements nationaux. Ces engagements régionaux permettront de rassembler les élans des 16 pays pilotes mais également d’associer plus largement d’autres pays voisins souhaitant s’engager pour la protection de la biodiversité. Les deux temps forts du projet pour l’année 2021 seront le congrès mondial de l’UICN à Marseille et la COP15 de la CDB.